L’idée européenne après-guerre et les premiers mouvements européens (1945-1949)

Introduction


Le bilan de la Seconde Guerre mondiale est très lourd pour l'Europe. Les pertes humaines sont dramatiques et la découverte des atrocités perpétrées par le régime nazi bouleverse les populations. De nombreuses économies européennes sont en ruine: infrastructures industrielles et agricoles détruites, villes rasées par les bombardements, moyens de communication endommagés, pénurie de vivres…



Rapidement reléguée au second plan sur la scène internationale par les deux nouvelles superpuissances que sont les États-Unis et l'Union soviétique, l'Europe occidentale prend alors conscience que son salut passe par les chemins de l'unité et par la mise en commun, fût-ce avec le soutien financier, matériel ou militaire des Américains, de ses ressources économiques et par la création d'institutions communes et efficaces.


Face à la montée en puissance des États-Unis et de l'Union soviétique et à leur rivalité grandissante, trois questions essentielles se posent aux peuples européens épuisés par le conflit. La première interrogation est économique: comment réparer les dommages matériels et restaurer l'activité économique sur le vieux continent? La deuxième est politique: comment définitivement empêcher le retour d'un conflit qui a mis l'Europe et le monde à feu et à sang? La troisième question est d'ordre culturel: comment assurer la survie et la renaissance de la civilisation européenne face aux menaces croissantes que semblent constituer le clivage idéologique et l'opposition entre les blocs vainqueurs américain et soviétique? L'Europe occidentale espère, grâce au rassemblement des peuples européens, retrouver sa place sur l'échiquier international.


Les mouvements pro-européens, dont certains sont issus de la Résistance, entrent alors en action et militent activement en faveur de l'unification européenne. L'idéal d'unité européenne, déjà popularisé par certaines élites dans la période de l'entre-deux-guerres, se répand donc rapidement au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Des milliers de jeunes rêvent d'une Europe unie, parfois même d'un monde unifié et pacifique. Alors que la reconstruction est une priorité immédiate de l'après-guerre, nombreux sont ceux qui prônent l'établissement d'une entité européenne autonome. Afin d'éviter le partage du monde en deux blocs antagonistes et la guerre qui ne manquerait pas d'en résulter, la constitution d'un troisième pôle européen paraît en effet indispensable. Dans ce contexte, des voix se font entendre pour réclamer la neutralité des pays occidentaux face au matérialisme américain et au totalitarisme soviétique. Mais le thème du non-alignement, de plus en plus difficilement applicable au fur et à mesure que la Guerre froide s'intensifie, n'est bientôt plus défendu que par les mouvements pacifistes et internationalistes.


En ce qui concerne la forme et les modalités d'unification de l'Europe, les idées divergent souvent en fonction des familles politiques et idéologiques. Tandis que les uns favorisent une fédération dirigée par une autorité fédérale, voire un gouvernement européen, d'autres privilégient par contre une simple association d'États souverains.


Conscients de la nécessité de promouvoir l'idéal européen dans le monde politique et auprès du grand public, divers partisans de l'unité fédérale européenne fondent, en 1946, l’Union européenne des fédéralistes (UEF) qui regroupe une cinquantaine de mouvements fédéralistes. Au sein des parlements nationaux, en particulier des parlements néerlandais, belge, français et italien, les partisans du fédéralisme gagnent progressivement en importance.


En 1947, Richard Coudenhove-Kalergi, fondateur de l'Union paneuropéenne au début des années vingt, décide de réunir ces parlementaires dans l'Union parlementaire européenne (UPE). Mieux organisés, les parlementaires peuvent ainsi faire pression sur les gouvernements nationaux.


De nombreux congrès internationaux (Montreux, Gstaad, La Haye…) sont également organisés pour faire aboutir l’idée d'unité européenne. Ainsi, compte tenu du succès rencontré par le congrès de La Haye en mai 1948, le comité international de coordination des mouvements européens qui l'avait organisé décide de pousser l'expérience plus loin et se transforme en octobre 1948 en Mouvement européen (ME). L'appui des opinions publiques pour construire une Europe unie devient dès lors primordial.


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